II - DISCUSSION DE L'ETUDE EXPERIMENTALE BIOMECANIQUE

A - DISCUSSION DE LA METHODOLOGIE

1) Il faut rappeler d'abord que nous avons mesuré les déformations sur l'os cortical en surface et qu'il n'est pas possible de relier les contraintes déduites aux valeurs obtenues par la modélisation par éléments finis directement puisque celle-ci a permis d'obtenir des résultats pour l'os spongieux.

Seul, à notre connaissance, JACOB (20), dans son étude expérimentale, a analysé l'état des contraintes mesurées à l'intérieur de "l'os" pelvien. En fait, son analyse a porté sur un modèle en trois dimensions de pelvis en résine comprenant les deux iliaques et le sacrum, une couche de silicone étant déposée dans le cotyle pour simuler le cartilage acétabulaire.

80 jauges de déformation à différents points de l'ilion et dans le cotyle derrière "le cartilage" ont été placées.

Le modèle le plus sophistiqué a été réalisé avec une corticale extérieure en résine de module d'élasticité de YOUNG de 420 daN/mm2 et un centre en mousse epoxy (E = 38 daN/mm2), de sorte que le ratio entre les deux reste identique ˆ la valeur physiologique.

Les mesures expérimentales ont montré que pour un individu de 60 kg, les contraintes mesurées dans la partie "sous-chondrale" étaient de 98 daN/mm2 pour seulement 13 dans "l'os spongieux".

Même si ces valeurs sont probablement fausses en valeur absolue, elles peuvent indiquer le rapport des contraintes entre les deux formations anatomiques.

2) L'ensemble des mesures relevées grâce aux jauges ne permet que de déduire certaines tendances, selon la variation d'épaisseur du MB.

Nos valeurs absolues ne peuvent pas être prises en compte. Nous avons en effet travaillé sur un matériel qui ne représente pas l'état physiologique, puisqu'il s'agit de bassins de cadavres congelés puis décongelés, débarrassés de leurs muscles, sans les représenter, comme l'a fait MASSIN (25) qui a modélisé les fessiers, le psoas iliaque, les muscles abdominaux et la masse sacro-lombaire par des fils d'acier fixés sur l'aile iliaque. JACOB (20), lui, a représenté les forces musculaires par des ressorts accrochés de l'aile iliaque au grand trochanter, et permettant d'inclure le moyen fessier, petit fessier et les muscles du fascia lata. D'autres comme LIONBERGER (23) ou FINLAY (15) les ont négligées.

3) L'analyse des travaux des auteurs met, par ailleurs, en évidence d'autres différences de métholologie, et incite à la prudence dans l'analyse des résultats :

LIONBERGER (23) a travaillé sur cinq pelvis humains congelés, en étudiant les effets de quatre composants acétabulaires cimentés différents. Les forces étaient exercées dans le plan frontal à 16¡ par rapport à la verticale, en position neutre à 0¡, à 30¡ de flexion et à 20¡ d'extension, le pelvis fixé à chaque fois dans un matériel plastique sur 5 cm sans aller comme dans notre étude, jusqu'à la sacro-iliaque, et les contraintes enregistrées simplement par cinq rosettes, trois à la face externe autour du cotyle, une à la face interne près de la sacro-iliaque, une à la face interne en position antéro-supérieure par rapport au cotyle.

Les résultats étaient exprimés en tension et compression.

FINLAY (15) a travaillé, lui, sur six hémi-pelvis de cadavres embaumés ayant conservé leur fémur proximal et reproduit des conditions d'appui monopode.

L'enregistrement s'est fait par 25 jauges de déformation, sur les corticales internes et externes du pelvis, une dans l'arrière fond cotyloïdien, six au pourtour du cotyle, six au niveau de l'aile iliaque et deux vers la sacro-iliaque à la face externe de l'hémi-pelvis, trois au niveau de la surface quadrilatère, six au dessus de la ligne innominée et une vers l'ischion à la face interne.

Les résultats ont été exprimés en tension-compression et non en contraintes de Von Mises, avant et après mise en place d'un polyéthylène et d'un métal-back sur l'os sous-chondral.

FABECK (13), lui a travaillé sur des hémi-bassins embaumés par alcool éthylique + phénol + glycérine, hydrate de chloral et d'eau, n'altérant pas d'après SEDLIN et HIRSH leurs propriétés mécaniques.

Les conditions mécaniques ont été celles décrites par Pauwels avec une direction de charge de 16° par rapport à la verticale, dans un plan frontal passant par les épines iliaques antéro-inférieures. Les bassins ont été fixés par du polyméthacrylate de méthyl et 9 jauges placées au pourtour cotyloïdien.

La montée en charge s'est faite de 20 en 20 jusqu'à 80 kg.

Le point commun de la plupart des études est d'avoir repris, comme nous l'avons fait, les conditions d'appui monopode, en utilisant la résultante des forces décrite par PAUWELLS.

B - DISCUSSION DES RESULTATS

1) D'après nos calculs, la moyenne des contraintes des deux bassins de chacune des jauges, est à peu près identique pour une variation d'épaisseur de 1 ou 5 de MB. L'influence de celle-ci est donc très faible, au niveau des corticales, lieu exclusif de notre analyse.

Par contre, la moyenne des contraintes calculée pour l'épaisseur 0 est beaucoup moins importante en valeur absolue.

Cela semble montrer que la rigidification de l'implant fait passer les contraintes dans les corticales.

Cela rejoint les résultats de JACOB (20) dont l'analyse expérimentale des contraintes sur un modèle humain en résine montre que l'os sous-chondral a l'intérieur du cotyle transmet la majeure partie de la charge à l'anneau cotyloïdien puis à la corticale, le spongieux à l'intérieur de l'os iliaque étant beaucoup moins contraint, élément que nous n'avons pas pu mesurer dans notre étude. L'auteur en conclut que l'os pelvien est un exemple de structure sandwich où l'enveloppe représentée par l'os sous-chondral et la corticale est très contraint, beaucoup plus que le centre dont la fonction est d'empêcher le collapsus lors du maintien des principales charges. Notre idée est que l'entretien de la vitalité de cet os spongieux, en y maintenant des contraintes "suffisantes" est utile pour la périnité de l'ancrage secondaire par recolonisation osseuse du MB. Nous reviendrons sur ce point.

FINLAY (15) rapporte des résultats intéressants en comparant le MB avec un polyéthylène mais n'analyse pas les contraintes récupérées au niveau cortical sans prothèse. Ses conclusions sont corroborées par l'analyse de notre modèle qui montre que les valeurs de contraintes enregistrées au niveau cortical sont très supérieures à ce que l'on récupère au niveau de l'os spongieux.

2) En ce qui concerne la cartographie corticale des contraintes péri-acétabulaires et au niveau du reste de l'hémi-pelvis, les résultats sont plus difficiles à comparer car la méthodologie est différente.

- LIONBERGER (23) travaille sur un modèle dont la direction de la résultante de la force d'application de la charge varie entre 0° (position neutre), 30° (flexion) et 20° (extension). Il trouve en moyenne que les contraintes enregistrées sont plus basses à la partie supérieure de l'anneau cotyloïdien qu'à sa partie postérieure.

La difficulté d'intégrer toutes les forces qui rentrent en jeu lors de la marche et les différentes possibilités de les stimuler entraînent des discordances entre les différents auteurs.

- Dans l'étude de FABECK (13), en l'absence de charge pubienne, on constate que les contraintes les plus élevées sont sur la circonférence du cotyle, comme dans l'étude de RABISHONG. Par contre, la modification des conditions limites par mise en compression du pubis entraîne une modification de la cartographie des contraintes augmentant celle-ci aux jonctions ilio-pubienne, ilio-ischiatique et diminuant au rebord postérieur du sourcil cotyloÏdien.

- D'après notre étude, les zones où la variation des contraintes est la plus faible selon différentes épaisseurs de MB sont essentiellement la corticale interne qui présente, par contre, avec le pourtour cotyloïdien les valeurs absolues de contraintes les plus importantes. Les zones les moins chargées en valeur absolue, que ce soit avec ou sans MB, sont la paroi postérieure et postéro-supérieure du cotyle.